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SAINT-TROPEZ
Rosé Le prestige de la presqu’île
Le nom de Saint-Tropez suffit à faire vendre les vins rosés qui s’en prévalent. Les investisseurs s’affolent et les vignerons regorgent d’idées.
La presqu’île rend fous les investisseurs avides de posséder un vignoble estampillé Saint-Tropez. A l’instar du groupe Bolloré, qui a repris, dans les années 1990, les domaines de la Croix et de la Bastide Blanche, sur la commune de La Croix-Valmer, 90 hectares de vignes donnant un rosé classieux. Ce n’est pas le cas de toutes les exploitations, dont le point commun positif est d’être attachées à une agriculture raisonnée. A la Croix, on n’a pas lésiné sur les moyens pour remettre le vignoble en état, et confier à un architecte local de renom, François Vieillecroze, le soin d’imaginer et de réaliser un chai futuriste.
A Gassin, le célèbre Minuty, de réputation internationale, démontre que grande production peut rimer avec qualité. L’un de ses voisins, le domaine de la Rouillère, 40 hectares plantés sur 120, appartient à un industriel de Lille, Bertrand Letartre, leader européen des produits d’hygiène et de désinfection en milieu hospitalier. Si c’est sa compagne, Magali Laget, tropézienne de souche, qui s’occupe de l’exploitation à plein temps, le chef d’entreprise descend tous les week-ends rejoindre ses deux amours. « J’ai eu le coup de foudre, il y a une dizaine d’années : j’ai racheté pour 4 millions d’euros cette propriété un peu délaissée. Plus du double ont été injectés dans son réveil. Notamment en rachetant des terres à la famille de Robert Boulin. Une parcelle se nomme d’ailleurs Ministre, explique Bertrand Letartre. Je tiens à rester propriétaire-récoltant, et il me fallait d’emblée être (re)connu dans mon village. » Comme le village se nomme Saint-Tropez, le travail sur le mouchoir de poche magique – du Vieux Port à Pampelonne – est capital. Il permet aux décideurs du monde entier de retenir le nom de son remarquable rosé Grande Réserve, qu’ils consomment plus volontiers en magnums, voire en mathusalems, qu’en simples bouteilles de 75 centilitres – toujours ce goût de la démesure. « L’image de nos vins circule, de Courchevel d’abord, où sont les commerçants tropéziens en hiver, à New York et à Saint Barth’, soit là où la jet-set se déplace. » Les rosés estampillés Saint-Tropez font un malheur dans les lieux branchés de la planète. Leurs prix sont en conséquence surestimés. Le chai de la Rouillère, archi-design, à la propreté clinique qui frise l’obsession, est signé lui aussi par Vieillecroze. « Oui, mais il a réalisé le nôtre avant celui de Bolloré» précise Bertrand Letartre. La concurrence est vive…
Un vin archimarketé avec ses séries limitées
Au domaine Bertaud-Belieu, propriété d’un haut dignitaire kazakh, on joue également la carte de la qualité. Cela n’empêche pas Jean-Christophe Sibelya, le gérant, de créer des évènements. « Nous sortons des cuvées limitées ornées d’une sculpture métallique en guise d’étiquette, signée Michel Audiard, dont le prix peut atteindre 8 000 euros pour une paire de mathusalems livrés dans une mallette en cuir. Et nous ouvrons un bar dans un hydravion Catalina, époque Latécoère, chaque soir sur une plage de Saint-Trop. » Grégoire Chaix, lui avec 35 hectares de vignes éparses dans les environs, produit Tropez, du prénom sésame de son grand-père, un vin archimarketé, avec ses séries limitées à 6 000 cols au look ravageur très night-club : Black Tropez, White Tropez. « J’ai créé aussi un cocktail à base de vin rosé et d’arôme de pêche, qui cartonne : on a déjà vendu 1,5 million de bouteilles ! Il titre, au choix, 6,5° ou 0° ; on le trouve partout, surtout chez moi, au Bar du Port », lequel n’a rien d’un wine bar classique. De toute manière, ici, les vignerons eux-mêmes boivent le rosé en « piscine », soit dans un grand verre qui tient du vase rempli de glaçons.
Parlez-moi de vin…
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